"La peur des piqûres, ça ne peut pas se guérir par l'acupuncture" (Pierre Légaré)
Pas si sûr...
La peur est une émotion archaïque permettant à l’Homme depuis sa création de survivre, oui oui, c'est elle qui a permis à l'homme des cavernes de fuir devant un ours balèze. La phobie quant à elle, c'est une crainte qui est à la fois excessive, irrationnelle et incontrôlable. Elle est ici d’une intensité exceptionnelle et s’accompagne de manifestations physiologiques gênantes comme des palpitations, des sensations d’étouffement, d’étranglement ou de transpiration qui sont des expressions somatiques de l’angoisse. Elle n’est, la plupart du temps, pas justifiée par la réalité d’un danger (mais si, rappelez-vous Louane, la chanteuse, sa phobie à elle, c'est la banane), elle est souvent incontrôlable et peut dégénérer en crise d’angoisse ou bien elle donne lieu à une fuite immédiate. Et vous l'aurez compris, tout, mais absolument tout peut être source de phobie. Gad Elmaleh aurait peur de l'avion, la tante Paulette peut avoir la phobie des oiseaux, sans oublier l'incontournable arachnophobie (peur des araignées), mais aussi la claustrophobie (peur des espaces clos), la coulrophobie (peur des clowns), j'en passe et des meilleures. Je salue au passage Lolo, qui j'espère s'est fait soigner de sa phobie des chauffe-eau.
En fait, les phobies ne seraient que le résultat d’un conditionnement. Oui le même que celui de votre minou qui, lorsque vous vous levez pour aller dans cette pièce qui se situe juste à côté du paquet de croquette, vous fait cette fameuse queue de poisson en étant persuadé que vous allez allègrement remplir sa gamelle. Minou a appris que le paquet de croquette était à cet endroit. Il a appris qu’en vous dirigeant vers cet endroit il y avait de fortes chances pour qu’il puisse se remplir la panse et reprendre sa sieste sur l’écharpe que vous avez oubliée négligemment sur le canapé. Au départ, Minou ne savait pas qu’il y avait un paquet de croquette à cet endroit. Puis, en se baladant, en reniflant, il a trouvé une gamelle pleine de croquette, là, précisément là ! Le lendemain, il a repéré un bruit alors que vous vous étiez levé pour aller… là-bas. Et ô miracle ! Lorsqu’il est retourné à cet endroit, il a retrouvé à nouveau sa gamelle pleine de croquettes. Au fur et à mesure, Minou a appris que quand vous vous leviez pour aller là-bas, qu’il y avait ce bruit de papier plastique qui se froissait et celui de petites choses qui tombaient dans un raffut harmonieux dans un récipient en métal, c’était pour offrir une belle petite récompense à son estomac de félin ! C’est le conditionnement. Papy Pavlov en avait fait la démonstration avec son chien qui avait appris à saliver en présence d’une cloche qui avait été associée au préalable à de la nourriture.
Eh bien, la phobie c’est pareil. Enfin, à quelques détails près : elle ne fait pas saliver (quoique) et ne provoque pas franchement de réponse de plaisir. Mais elle s’apprend. Pour exemple : Houssine, 12 ans, avait peur des chiens. Lorsqu’il était petit, le chien de son voisin lui avait sauté dessus et avait essayé de le mordre au visage. Evènement traumatisant pour ce petit qui s’en est tiré sans aucune égratignure. Pas d’égratignures mais une peur. Il a appris que les chiens pouvaient sauter sur les gens et les mordre. Il a appris à avoir peur des chiens. Il le sait, on le sait, ce n’est pas parce que UN chien, UNE fois nous saute dessus que TOUS les chiens veulent nous refaire le portrait. MAIS, il suffit d’une fois et l’apprentissage est fait. Houssine a eu beau croiser tous les chihuahuas les plus gentils de la terre, les labradors les plus dociles de l’univers, rien n’y faisait, la panique l’envahissait chaque fois qu’il croisait un chien. Alors, pour que la vie soit plus simple pour lui, il décidait d’éviter tous les situations où il aurait pu être en contact avec un chien. Il ne prenait plus la rue des églantiers pour se rendre à l’école, n’allait plus voir son pote Lucas, il vérifiait que Mme Pincemoi n’était pas dans les couloirs avec Foxi, son bâtard pur race avant de quitter l’appartement… Oui mais, c’est bien beau d’éviter la peur qui fout la trouille. Son problème à Houssine, c’est qu’il se rendait compte qu’il lui était de plus en plus insupportable de croiser un chien. Si l’évitement lui permettait un vrai soulagement à court-terme, il venait renforcer sa phobie à long terme ! « Il va me mordre, je vais mourir ! » étaient les quelques phrases qui pouvaient lui traverser l’esprit lorsqu’il
croisait un loulou de Poméranie, traverser la route à toute vitesse sans vérifier qu’il y avait des voitures pouvait être l’un des comportements de fuite qu’il pouvait adopter face à sa phobie. Et nous voilà en présence d’un superbe cercle vicieux ! Houssine a peur des chiens, il les évite, mais quand il en croise il a encore plus peur, alors il les évite d’autant plus, mais quand il en croise il a encore encore plus peur, alors… la boucle est bouclée. Et ses croyances viennent maintenir et renforcer sa phobie. En plus, ses parents ont comme l’impression qu’il commence à se méfier des autres animaux à 4 pattes…
Mais alors, mais que faire ? Nous sommes dans une situation inextricable !
Pas de panique, tout est sous contrôle. Le principe des thérapies cognitives et comportementales sera donc de remédier aux fausses croyances du type « les chiens sont des animaux féroces qui passent leur temps à dépecer des enfants » qui génèrent des pensées dysfonctionnelles du type « je vais me faire mordre » lorsque Houssine se trouve devant un chien en apparence inoffensif (admettons un cavalier king-charles tenu en laisse et dans les bras de sa maîtresse, tout à fait calme et détendu _oui parce qu’il fait de la méditation_). On parle de pensées dysfonctionnelles car elles sont la plupart du temps soit erronées, soit excessives et qu’elles génèrent des émotions très pénible comme l’angoisse. Il s’agit donc ici de faire de la remédiation cognitive, soit un travail sur ces pensées dysfonctionnelles afin de les rendre plus réalistes et moins anxiogènes. L’autre principe des TCC sera de faire un travail comportemental, et donc de s’appuyer sur les comportements inadaptés (la fuite la plupart du temps) qui viennent renforcer la phobie. Cela va consister en un travail de relaxation, puis d’exposition progressive à la situation phobique. Je dis bien progressive, en aucun cas il s’agit de soumettre le patient à une situation extrêmement anxiogène.
Pour commencer, avec Houssine, nous avons travaillé sur les pensées dysfonctionnelles. Le simple fait de les avoir identifiées puis rationalisées avait déjà diminué son anxiété. Après l’apprentissage de quelques techniques de relaxation, nous avons débuté le travail comportemental en commençant par une exposition à un stimulus peu anxiogène : regarder des images de chien. Progressivement, le phénomène d’habituation au stimulus a permis à Houssine de grimper dans son échelle de phobie, à franchir des étapes, jusqu’à ce qu’il puisse
s’exposer directement à un chien. D’abord au loin, pendant quelques secondes, puis de plus en plus près et de plus en plus longtemps. A la fin de la thérapie, Houssine jouait avec 4 chiens dans le jardin.
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